Un croqueur d'images...

28-03-2013 00:00:00

 

«La vie devait être triste quand Pépé et Mémé étaient jeunes, ils vivaient en noir et blanc. Je l’ai vu sur les photos de grand-mère...» Paroles d’enfant

Nous vous offrons ce portrait-interview de Philip Plisson réalisée il y a quelque temps pour Voiles Aventures et qui était restée inédit. (Certains détail ne sont peut être plus d’actualité) exclusivité

 

Propos recueillis pour Voiles Aventures par Brigitte Aufeuvre,

Crédit photo :

Philip Plisson / Studio Harcourt

 

Il n'existe, je crois, nulle flaque d'eau au monde qu'il n'ait immortalisée !...

Philip Plisson n'est pas seulement un photographe remarquable, connu et reconnu du public et de ses pairs, toujours à la recherche du cliché qu'il ne possède pas encore, un «Peintre de la Marine» bourlingueur et pressé qui a gagné le droit d'accoler une ancre à son célèbre nom*, un businessman brillant sans cesse mené par ses nombreux projets d'un océan à l'autre, d'un coup de tempête à l'autre, d'une régate à l'autre, d'un hélicoptère à un navire de la marine nationale à l'autre !... C'est aussi un ami de cœur. Quand je pense à lui et à son épouse Marie-Brigitte, un souvenir tout particulier émerge et me touche.

1995, nous partons à Bélem (Brésil) chercher notre petite fille alors que Philip est en pleine gestation de son album «Le siècle du Bélem». Amusante coïncidence !...

Rencontre avec un homme généreux qui sait conserver la mémoire de l'amitié.

À sa parution, il nous l’offre tout naturellement avec cette jolie dédicace :

«Pour Emma, perle de là-bas, là où au siècle dernier, nous allions rechercher ce que notre terre de France ne pouvait nous donner. Nous sommes sûrs que de Bélem tu garderas le goût d’épices et de fruits qui embaumera pour toujours le cœur de Brigitte et Patrick.... ».

Que dire ?

 

Philip Plisson c’est un peu la lentille du Phare de Kéréon, qu’il a si joliment photographiée. Pour qui ne le connaît pas, il distille le chaud et le froid, le bleu et le rouge. Réservé, discret, presque bougon, peu enclin à la parole jusqu’à ce qu’inévitablement vous lui posiez une question sur sa dernière campagne de photos. ­

Alors la passion l’enflamme, l’homme est intarissable et les heures s’écoulent pour l’auditoire suspendu à ses lèvres.

Car il a ce talent de nous faire voyager par ses photos mais également par ses mots.

Si vous demandez à quiconque ce qu’évoque le nom de Philip Plisson, il vous répondra invariablement «les phares».

Les phares dont il sait comme personne saisir la beauté altière, la résistance aux puissants « échevellements » des vagues mais aussi le grand isolement des hommes qui les habitent.

Et pourtant, à contempler son œuvre, ce choix impossible d’images qu’on aimerait accrocher sur tous nos murs, on se rend compte combien celle-ci est vaste, diverse, multiple, combien elle touche toutes les facettes de ce monde de la mer

«Je suis marin avant d’être photographe »

 

Pourtant, il est né en 1947 loin de la grande eau, entre Beauce et Sologne. À l’âge de 4 ans, les vacances d’été familiales lui font découvrir la Trinité-sur- Mer, tandis que chaque week-end du reste de l’année, il navigue sur l’étang du Puits, à Cerdon-du-Loiret où son père à créé «Le Cercle de la Voile du Centre». Il y fait ses premières compétitions sur dériveur.

 

La photo n’est encore qu’un passe-temps anodin collé sur les pages d’un album de souvenirs.

À 9 ans, à l’occasion de sa communion, ses grand-parents lui offrent un appareil «ULTRA FEX».

«C’est le déclic. Je voyais que je pouvais fixer ce que j’observais sur papier...»

Dès l’été 1956, à bord de sa plate, dans la rivière de La Trinité, Philip réalise ses premiers «portraits» de yachts qu’il développe lui-même et propose aux propriétaires. C’est ainsi qu’il se retrouvera un jour, suspendu au bout-dehors de Pen Duick et fera la connaissance de Babar, père d’Eric Tabarly.

Cependant, la photo reste un loisir et Philip suit un cursus scolaire classique.

«Je suis un autodidacte.

Je n’ai pas intégré une école de photographie.

Ces écoles sont souvent des pièges dans lesquels les parents tombent.

On a un œil ou on n’en a pas comme un musicien a une oreille ou n’en a pas... J’invite tous les jeunes qui rêvent de faire ce fabuleux métier de s’auto-discipliner en ayant la passion et la culture de leur sujet... Oui... à mes yeux, trois choses sont essentielles pour réussir dans ce métier :

* Posséder la culture de son sujet,

* Être PLUS QUE passionné, voire obsédé, ne vivre que pour ça,

* Surprendre et SE surprendre, s’endormir chaque nuit avec en permanence des rêves de photos...».

Pourtant, un C.A.P. en poche, il entame sa vie professionnelle à terre, sera électricien dans le bâtiment, électromécanicien en usine, manœuvre, boiseur-coffreur...

Petite échappée marine.

Il intègre la Royale le temps de son service militaire et navigue 2 ans autour du monde.

Et en 1967, il rencontre Marie-Brigitte, l’épouse en 1970.

Il travaille alors dans l’entreprise familiale textile de sa belle-famille, devient père de 3 enfants et vit 5 années d’une expérience commerciale très enrichissante.

Mais sa passion le taraude et en 1974, Philip décide vaille que vaille de se lancer dans l’aventure photographique.

«Je voulais vivre à 30 ans de mes deux passions : la mer et la photo »

 

*

 

PEINTRES DE LA MARINE

Bref historique (extrait)

C’est à Richelieu que la légende attribue la création du corps des «Peintres de la Marine». Ce ministre de Louis XIII avait à cœur de conserver le souvenir des grands faits historiques au travers du talent des peintres-chroniqueurs de son époque.

Qui étaient-ils ces artistes qui ont enrichi nos musées d’une œuvre remarquable de précision et de beauté ? Leur travail relatait le quotidien des arsenaux royaux, ornementait les nefs royales de pavois peints aux armes de France, croquait la vie des ports, racontait les conflits, les batailles navales et les découvertes du monde par les grands explorateurs.

C’est en 1830 que la Monarchie de Juillet inaugurera leur existence officielle et que le premier parmi eux, Garneray (1783-1857) obtiendra la nomination de «Peintre de Marine du Grand Amiral de France».

Depuis lors, marins et peintres ne se sont plus quittés. Parmi les noms célèbres des années 1930, Delpy, Marin-Marie, Chapelet et Brenet animèrent des promotions brillantes qui firent le renom de la nouvelle école française de peinture maritime.

Le corps des «Peintres de la Marine» perdure depuis près de deux siècles. Historiens à leur manière, leur talent en fait les descendants directs des maîtres de jadis et ils sont de la même façon les héritiers des dessinateurs embarqués jusqu’au siècle dernier à bord des frégates d’exploration du monde.

Ils ont aussi le sentiment de prolonger la grande école de peinture des bords de mer et des ciels marins que fut l’impressionnisme. En 1860, au nombre de quatre, ils seront trente-deux en 1900, puis cinquante et un en 1914. Limité par décret à 20 en 1924 et nommés pour une période de 3 ans, leur statut sera remanié en 1953 puis en 1981. Aujourd’hui, leur nombre s’élève à 40.

Il en a 27 !... Marie-Brigitte et Philip repartent alors à zéro. Pendant ces années, son épouse l’épaule.

«La réussite, dans ce genre de profil, elle se construit à deux...»

Naît alors leur premier studio photo. Pour faire « bouillir la marmite », Philip se lance dans la création publicitaire.

«La pub est une école pleine de contraintes, de précision. Il faut rendre des comptes et se remettre en question à chaque image...».

En 1980, les Ateliers Philip Plisson réalisent près de 10 millions de francs de chiffre d’affaires et emploient 11 personnes.

Moins préoccupé de pérenniser son entreprise qui désormais fonctionne, Philip peut revenir avec enthousiasme à ses anciennes amours et goûter à nouveau l’eau salée.

En 1982, il se jette dans le bain et participe avec Guy Delage à la course transatlantique en double La Rochelle / La Nouvelle Orléans. La traversée est sportive à bord du Prao “Lestra-sport”. En 31 jours, Philip perd 14 kilos !... À l’étonnement général, l’équipage Plisson-Delage mène la course en tête mais se fait doubler dans le chenal d’arrivée en Louisiane par Marc Pajot !

Désormais les évènements s’enchaînent. Philip oriente définitivement son activité vers ce qu’il affectionne le plus, la mer.

En 1982, le chantier Jeanneau lui met le pied à l’étrier en lui confiant sa nouvelle campagne publicitaire. Le photographe-marin multiplie les reportages dans le monde de la voile et de la presse spécialisée, couvre la Course au Large et la Coupe de l’America et, peu à peu, étoffe sa fabuleuse banque d’images.

En 1988, il crée sa première galerie à La Trinité-sur-Mer, à l’emplacement de l’ancienne criée. Elle fait 11 m2 !

L’année suivante, il double la surface. Quand sort son premier livre, «Bretagne pays de mer», Philip prend conscience de la richesse de sa photothèque et à partir de 1992, fait le choix de ne plus travailler que pour elle (et lui). Aujourd’hui, la «Société Pêcheur d’Images Production» c’est aussi 200 m2 entre les murs desquels repose le fabuleux trésor du pirate : une banque de 500 000 images (et tirages originaux) glanées au fil des années de par le monde !...


 

On regarde les photos de Philip comme on le fait d’une toile de maître : l’émotion est là... dans les embruns qui nous éclaboussent, dans la brume qui nous enveloppe, dans le cœur des mouettes qui palpite, dans les étraves qui s’élancent en un bruissement de soie, dans la solitude des hommes qui allument les lanternes des phares... Un seul mot vient à l’esprit : magnifique ! Son travail nous touche, nous émeut, nous fascine... ses photos ont une âme, comme si, en immortalisant l’instant, il y avait glissé une partie de la sienne pour leur insuffler la vie. En 1991, la reconnaissance de ce talent exceptionnel lui vaut d’être nommé «Peintre de la marine*» par le Ministre de la Défense :

«Un vrai cadeau...»

dit Philip.

 

À cette occasion, les portes du Palais de Chaillot s’ouvrent à plus de 51 000 visiteurs qui découvrent alors l’infinie richesse de son art, de sa palette, de ses œuvres. Une consécration et un grand honneur dont il parle avec beaucoup de pudeur et de fierté. Cette distinction l’autorise désormais à associer la célèbre petite ancre à sa signature. Peut-être même est-ce lui qui, en démocratisant ce symbole connu des seuls initiés, fait découvrir au public jusqu’alors dans l’ignorance, ce corps prestigieux fondé par Richelieu.

Il est le troisième photographe à être honoré de ce titre. Yann Arthus-Bertrand rejoint leurs rangs lors de la promotion 2005 puis Jean GAUMY, dans celle de 2008

 

Grâce à ce titre, Philip peut désormais embarquer à bord des navires de la Marine Nationale dans un uniforme équivalent à son grade : en Lieutenant de Vaisseau de 1991 à 2003 et depuis 2004 et sa titularisation, en Capitaine de Corvette. La Marine facilite l’accès des arsenaux et des navires à ses peintres et leur permet de travailler dans de bonnes conditions. Régulièrement invité à bord des navires, l’infatigable voyageur vivra les dernières heures à la mer du croiseur «Colbert», passera le Cap Horn sur la «Jeanne d’Arc», plongera plusieurs jours avec l’équipage du sous-marin nucléaire «le Foudroyant», participera à des missions de reconnaissance sur des «Breguets-Atlantique».

Il réalisera, en compagnie de son fils Guillaume, lui-même photographe, le spectacle pour le retrait du service actif du Porte-avions «Clémenceau». Et c’est toujours à bord d’un navire de la Marine Nationale qu’il embarquera à destination de l’Asie, ravagée par le Tsunami de décembre 2004 et sera le premier photographe français sur le site de Banda Ace. Philip, c’est un perpétuel pèlerin en quête du Graal, un œil acéré et juste sans cesse aux aguets, un albatros entravé par ses ailes sur le pont d’un Salon Nautique, il est là et déjà on le sent ailleurs... pressé, plein de vie, plein de projets, de photos à venir, de clichés déjà manqués à son objectif, un croqueur d’images...

«Ma photo préférée est celle que je ferai demain. On peut être satisfait de son parcours, d’un livre, d’un reportage, on ne l’est jamais d’une image. Le mode d’emploi ?...

S’il en existe un, on ne le connaît pas !...

Si une image est exceptionnelle, c’est un cadeau. Notre seul et unique talent, c’est d’avoir su être au rendez-vous au bon moment avec la Nature !...».


 

Il existe deux catégories de peintres officiels de la Marine : les peintres agréés et les peintres titulaires.

*Les peintres agréés, nommés par arrêté ministériel à l’issue du Salon de la Marine pour une période de trois ans renouvelable, sur proposition d’un jury où siègent des représentants des Beaux-Arts, de la Marine et des peintres titulaires.

*Les peintres titulaires doivent être en exercice depuis au moins quatre périodes consécutives de trois ans ou avoir dépassé l’âge de soixante ans.

Le titre de «Peintre du Département de la Marine» est accordé par le Ministre, à des artistes ayant consacré leur talent à l’étude de la mer, de la Marine et de gens de mer. Ce titre ne donne droit à aucune rétribution mais à des facilités pour ac­complir des missions dans les ports et sur les navires. Par tradition autant que par privilège, les «Peintres de la Marine» ajoutent une ancre de Marine à leur signature.

Le choix du Ministre peut aussi bien se porter sur les sculpteurs, illustrateurs, photographes et graveurs, le titre de «Peintre de la Marine» étant pris dans son sens le plus large. Trois femmes ont rejoint leurs rangs, faisant ainsi tomber ce bastion jusqu’alors masculin.

Ces curieux civils qui portent un uniforme d’officier à bord des navires de guerre sur lesquels ils embarquent en mission, sont avant tout des artistes de toutes tendances. Ils sont encore de nos jours les témoins de notre fait maritime.

(Source : Service communication du Musée de la Marine)

Puisse votre regard un instant se glisser dans le sien,

Puisse votre âme être éblouie par la beauté du monde en feuilletant son fabuleux et inestimable livre d’images !

www.plisson.com

Pour plus de renseignements

http://www.peintreofficieldelamarine.fr/present.htm

 

Brigitte Aufeuvre

 

 

*Peintre du Département de la Marine.

*Christian BUCHET est Secrétaire Général du Conseil National de l’Archipel France.

 

1. Le photographe photographié

2. Lentille du phare de Kéréon

3. Escalier du phare de Créac’h

4. Escalier du phare de l’Ile d’Yeux

5. Escalier du phare d’Eckmühl à Pen­marc’h

6. Escalier du phare d’Alistro (Corse)

7. Escalier de l’Ile Vierge

8. Navire de la Marine Nationale quittant Brest

9. Gardien de phare sur Kéréon

10. Gros temps sur Kéréon

11. Relève gardien de phare sur Kéréon

12. Neist Point sur l’Ile de Skye

13. Ile de North Uist Hébrides - Ecosse

14. Tuiga

15. Port Rhu (Douarnenez)

16. Phare de Téven­nec entre l’Ile de Sein et le continent

17. Philip Plisson à l’affût

18. Velsheda et Endeavour sur le même bord

19. Régate devant l’Ile de Wight

20. Moonbeam durant les Voiles de St Tropez

21. Cambria durant les Voiles de St Tropez

 



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