“I have a dream”…Cap Horn me voila!

11-02-2014 00:00:00

 

Racontée par Nadine Dupré membre de l’équipage qui sauva Eric Tabarly pendant la « Route du Rhum » 1986

Nadine nous a raconté l’aventure, son aventure, qu’elle a vécue il y a quelques temps déjà, mais c’est une de ces aventures qui restent présentes comme vielle seulement de quelques heures pour toute une vie. Si demain des opportunités comme celles ci se présentent à vous, vous vous rendrez très vite compte que le récit de Nadine n’a pas pris une ride. Cette histoire qu’elle vous raconte est intemporelle, autant dans sa réalisation que dans notre rêve (à 90% des amoureux des bateaux) de la vivre à notre tour.

Après vingt ans de navigation sur des bateaux de légende avec « Le Club croisière Pen Duick », c’est à bord de Pen Duick VI (voir les caractéristiques en fin d’article), en compagnie de treize marins que ce petit bout de femme réalise son rêve : « Devenir Cap-Hornière ».

« Pen Duick III ; Pen Duick IV , Kriter V…Ces bateaux à la légende éternelle ont bercé son adolescence et habiter ses rêves. Les images mythiques de « Charles Heidseick III surfant les vagues générées par les 40° rugissants ont décidées de son avenir.

 

00002.jpgRencontre avec Pen Duick VI

Mais d’abord Nadine nous parle de son immersion dans le monde d’Eric Tabarly. Avant 1986 date de l’arrivée de Pen Duick VI au club, elle avait déjà un pied dans cette légende grâce Pen Duick III

 « En 1986. Pen Duick VI intègre le Club et depuis quelque temps l'idée de faire une Transat me trotte dans la tète Mais Pen Duick VI, avec ses 22 m et son spi de 350 m2 est beaucoup plus grand que Pen Duick III. Avant de prendre une décision, je vais me tester le temps d'un week-end

Du coup, j'inaugure le premier «manque à virer», un grand classique sur ce bateau avec son gréement de ketch Le plan de pont, avec ses vingt winches parait bien complexe pour une profane. Le circuit des écoutes de voile d'avant (huit en tout) change selon la voile envoyée.

00003.jpgQue d'éléments à assimiler ! Je prends mes marques sur ce bateau qui me paraît immense et je commence à l'apprivoiser. Sur le pont, il faut une bonne coordination de l'équipage, l'envie de manœuvrer et ne pas avoir peur de se faire mouiller lors de l'envoi des voiles d'avant, en file indienne. Certaines manœuvres demandent de l'énergie : sortir les voiles, même avec l'aide de drisses, plier le «reacher» et croiser les doigts pour qu'il veuille bien rentrer dans son sac.

Les génois léger et lourd : même combat ! Et que dire de certaines séances au «moulin à café»... Mais comme sur Pen Duick III, la Trinquette et la voile d'étai sont plus faciles à manipuler ! Ouf !

Heureusement, aprés l'effort, Il y a Ie réconfort de la «Terrasse » et de la «Baignoire», les surnoms des deux cockpits de manœuvre. La « Guitoune » ou casquette protégeant la descente est bien pratique pour les longs quarts de nuit et sert aussi de “compartìment- fumeur».

L’aménagement Intérieur peut paraître spartiate de prime abord, mais il se révéla très confortable en haute mer.

PD VI s .jpegAu pied de la descente, se trouve la selle Harley-Davldson qui a fait tous les Pen Duick, sauf le premier. La zone vie est bien séparée de la zone repos. Chaque équipier dispose de sa propre bannette avec toile anti-roulis et peut, ainsi, recréer son «petit monde» à lui, s'isoler quand iI le souhaite. La visite est finie !...

 

Pen Duick VI

Architecte :                André Mauric

Constructeur :             Arsenal de Brest

Mise à l’eau :              28 juillet 1973

Longueur de coque : 22,25 m

Flottaison :                 18,80 m

Maître bau :                5,30 m

Tirant d’eau :              3,40 m

Déplacement :            32 000 kg

Lest :                          13 500 kg

Surface au près :         260 m²

Surface au portant :    600 m²

 

Rencontre avec la légende

01 TABARLY.jpg1986 Saint Malo, veille du départ de la Route du Rhum.

Nous croisons un ami sur les quais : «Où allez-vous? Les Antilles ! Je suis fière comme Artaban !.. »

Je vais vite déchanter. Gros temps dans le Golfe de Gascogne, normal et la mise en route est difficile !... Les quarts paraissent interminables avec le mal de mer et nous jouons au sous-marin lors des manœuvres à l'avant ! Nous découvrons aussi la solitude du barreur, tout seul à l'arrière, pendant que ses copains forment une équipe à l'avant, lors des manœuvres d'envol et de réduction de voile qui durent environ quarante à soixante minutes. Surtout, ne pas faire «taper» le bateau, c'est déjà assez pénible pour eux comme ça. Beaucoup de concentration et de stress, les paquets d'eau de mer en moins, certes. Dans ces conditions difficiles, l'organisation des quarts est mise à mal. Mais bon, côté sommeil, tout va bien. Côté nourriture, après le régime purée-soupes-raviolis, cela ne peut que s'améliorer ! Cinquième jour de mer. Nous avons de nouveau la «pêche» et maintenant, nous formons un équipage.

Les conditions éprouvantes ont créé des liens entre nous et elles ont développé notre esprit de solidarité et d'entraide.

00004.jpgSurprise : Un Bréguet-Atlantique nous survole et nous apprend via la radio qu'un concurrent de la Route du Rhum est en difficulté et demande assistance. C'est Eric Tabarly, sur Côte d'Or II. Il lui manque l'avant d'un flotteur et compte tenu de l'état de la mer (très grosse) et des 40-50 nœuds de vent, il préfère abandonner son bateau. Le hasard a voulu que nous soyons le bateau le plus proche. A trois heures du matin, nous arrivons sur zone. Un cargo s'est dérouté et nous propose de «casser» la mer et le vent. La tension monte. Nous savons que nous n'avons droit qu'à un seul passage ! Après une manœuvre délicate. François et moi hissons Eric à bord. Je croise son premier regard. Il est gravé dans ma mémoire, ainsi que son «merci...» A Arnaud : «Belle manœuvre !» Pendant 48 heures, nous avons eu la joie de naviguer et manœuvrer avec un grand marin, qui nous a régalés d'histoires sur son enfance et sur la restauration de Pen Duick. La suite de la Transat? Un autre grand plaisir, avec les couchers de soleil, les longs bords sous spi ou foc tangonné, le rituel de la douche sur le pont, les concours de cuisine, le «tube» de la Transat (l'Aziza), le salon de lecture en «Terrasse» ou dans les voiles, les «apéros-dehors», les parties de tarot et surtout la richesse des relations humaines associée à la redécouverte des plaisirs simples. »

 

Suite de l’histoire de Côte d’or II

http://foils.wordpress.com/2010/04/10/cote-d%E2%80%99or-ii-renaissances/

 

 

Enfin Cap-Hornière

« On est bientôt en l’an 2000, départ « Aukland », arrivé « Ushuaïa. Je serais la 1° Cap-Hornière du XXI° siecle (ou la dernière du XX°)

C'est l'aboutissement naturel de toutes ces années. Naviguer dans les 40émes rugissants et les 50èmes hurlants avec le Horn en point de mire et en récompense, avoir le droit de «cracher au vent»! C'est deux années d'investissement personnel, durée totale d'absence sept semaines. Alors il a fallu demander une mise en disponibilité exceptionnelle, accumuler des jours de congé et supprimer les jours de repos, le tout pour éviter de prendre du «sans solde», le budget ne l'aurait pas supporté

Projet 3.pngMes finances ont été mises à mal: achat de vêtements polaire, renouvellement de mon équipement, prix des billets d'avion et de la croisière à bord, faux-frais et cagnotte en cas de «coup dur»... La nouvelle voiture attendra!... Avant le départ, j appréhende beaucoup l’aventure. Serai-je à la hauteur physiquement?... Et le froid?... La mer?... Les dépressions continuelles?... La durée?... Je reste humble.

J'ai une totale confiance dans les qualités de marin, de Christian B. et de Pierre P. le skipper et son second. J'ai déjà navigué avec eux,  en fait c'est Christian qui m'a formée en école de croisière, puis sur Pen Duick III et Pen Duick VI et entre temps, il est même devenu mon beau-frère, les hasards de la vie ! …

Et puis, j'ai déjà deux amis à bord. Christian M et Marc, alors tout ira bien. Mes copains me «chambrent» avant le départ : seule femme à bord avec treize gaillards!... Et alors ? J'ai l'habitude, cela a été le cas pour quatre transats et d'autres grandes navigations. Que dire de ces trente jours de navigation avec pour unique horizon la mer, la mer et la mer... si changeante avec toute la palette des bleus, des gris, des verts et du noir. Le ballet des albatros si patauds au décollage et si gracieux une fois en vol, les sternes, les damiers du Cap, les calamars géants. Déception, pas une baleine ni un dauphin dans ces contrées désertées ! Le Pacifique s'est montré fort clément avec nous, nous n'avons essuyé que quatre dépressions. J'ai trouvé mes limites sur le plan mental. Je pensais être mieux «armée» que cela. Sur le plan physique, je suis partie épuisée, grosse erreur.

J'ai souffert du froid aux mains. Messieurs les fabricants, vous avez encore du chemin à parcourir ! Les bottes en néoprène, bien chaudes : elles sont si lourdes qu'elles m'ont handicapée lors de mes déplacements sur le pont. Je ne m'y suis jamais faite avec pour résultat que je réduis au minimum syndical ma participation aux manœuvres à l’avant (alors que j'adore ça) Et puis, il faut aussi des paires de bras à l'arrière, alors ça crée un équilibre !

Heureusement, il y avait la récompense au bout du monde ! 10 décembre 1999. 3h15 : J'aperçois la terre au loin. Daniel est fou de joie et m'embrasse.

Projet 2.jpg

Le lever de soleil sur la Cordillère des Andes est magnifique, avec ces glaciers qui plongent dans l'océan. Une belle journée s'annonce pour nous, avec pour point d'orgue le passage du Horn. Hélas, le vent nous fait défaut. Un comble dans ces parages et c'est de nuit, au moteur, que nous deviendrons Cap-Horniers ! Les derniers du XX° siècle, en fait.

Les couche-tard ont été récompensés car au lever du jour, nous admirons toujours le Horn et nous sommes à la voile ! Merci à Arnaud Dhallenne d'avoir osé organiser cette croisière pour des amateurs et surtout un grand merci à tout «l'équipage du Horn». comme je les surnomme, de m'avoir permis de réaliser un rêve : Christian B.. Pierre P.. Marc. Christian M.. Michel, Alain, Yves, Henry. Patrick. J-B. Franck. Daniel et Gérard.

 

Nadine Dupré

 

Ps

Le 11 décembre 1999 ou quatre journées en une

Passage du Horn, remontée du canal de Beagle, arrivée à Puerto Williams et soirée sur le Micalvi, le bateau-Yacht-club le plus au Sud du monde. N’en rajoutez plus, la coupe est pleine ! La « pisco » nous réchauffe le cœur, l’ambiance à la réalité des soirées sur Micalvi nous permet de revenir doucement à la réalité. Les instants passés en compagnie de Peter Blake, Yvon Fauconnier et leurs équipages, eux aussi en escale, nous ont marqué à jamais. Notre pavillon, en bien triste état, est offert Micalvi.

Projet 4.png

 

Nadine nous a présenté ses hauts faits de marin, avec une remarquable humilité. Ses moments de navigations sont accompagnés d’aventures extraordinaires dont nous avons le sentiment de n’avoir qu’effleuré la richesse. Soyez actifs sur les commentaires pour l’incitée à lever un peu plus le voile et nous régaler d’autres récits fantastiques.

PG

Version PDF

 

Sources photos :

-       https://www.voile.banquepopulaire.fr/Association-Eric-Tabarly/La-Flotte-des-Pen-Duick-p56.html

-      http://challengeandadventure.com/

-       Nadine Dupré

http://www.voiles-aventures.com/



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