Navigation «musclée» entre père et fils
« Le bateau c'est la liberté, pas seulement le moyen d'atteindre un but. »
Bernard Moitessier
Cette très belle pensée de Bernard Moitessier pour illustrer le récit de notre amis Jean-Pierre Tournade
Jean-Pierre et ses deux fils sont partis, au début de l’hiver, naviguer dans le Golfe du Morbihan. Une semaine entre garçons, à refaire le monde en toute quiétude. Oui mais le beau temps n’était pas de la partie !...
L’origine du projet
Mise à l’eau de TI SOAZ à Lorient le 16 mars 2005. Ce dériveur intégral en aluminium de 44 pieds est sorti du chantier ALLIAGE à l’issue de près de 2 années de projets, d’espoir, d’impatience.
C’est l’aboutissement d’un vieux rêve de voyage au long cours, que plus d’un navigateur retourne dans sa tête jusqu’à la retraite !
Le printemps, l’été et l’automne ont permis aux amis et proches de la famille de goûter les joies de la voile (et parfois du moteur) sur plus de 2000 milles le long des côtes atlantiques, entre La Rochelle, Lorient, la mer d’Iroise et les Scilly.
Nous redécouvrons toutes les criques, îles, rivières marines de nos côtes bretonnes.
Avant d’allonger la foulée vers d’autres horizons et afin de clore une saison ensoleillée, mais bien faible en vent, une dernière navigation «aux portes de l’hiver» est prévue, en équipage restreint.
L’équipage
Le skipper master : Jean-Pierre, jeune retraité de 60 ans plein de projets. Les équipiers : Guillaume, 36 ans, papa de 4 moussaillons, Gwénael, 35 ans, papa d’une «moussaillonne» et d’un moussaillon.
Le Projet
Une semaine de navigation «soutenue» début novembre, à partir de Lorient, avec des promesses de vent, de fraîcheur, de discussions «entre père et fils» le soir, au chaud dans le carré... Tout un programme
Les Prévisions Météo
Cette semaine, départ de la Transat du Havre, verra tous nos espoirs de vent récompensés.
Bulletin météo lourd de menaces vers la pointe de Bretagne, 8 à 9 Beaufort !
Nous irons donc vers le Sud, riche d’une prévision de vents de S-O à 6 ou 7 Beaufort, voire 8, avec une bascule N-O.
Lorient - Le Palais - Ile de Groix
Arrivée tardive le vendredi soir ; le samedi matin au Kernevel, un avitaillement complet est embarqué à bord Sur le point de larguer les amarres, Guillaume fait une mauvaise chute dans la baignoire et se foule une cheville ! Vieux souvenir d’une chute en parapente... Strapping serré dans les bottes et «c’est parti !»
Houle d’Ouest et vent de secteur S-O, 24 nœuds.
Un près serré puis un peu plus abattu, nous permet d’avaler en 4 heures les 25 milles qui nous séparent du port de Belle Ile. Le ciel, couvert de quelques éclaircies sympathiques, nous donne l’occasion de vérifier notre équipement de mer. Nous amarrons sur coffre au Palais, à 17 heures, en vue de goûter aux joies d’une soirée chaleureuse.
Chauffage et douche chaude à bord ne sont pas du luxe. Nous savourons le foie frais poêlé préparé par Guillaume, grand moment de cuisine !
Le Palais La Vilaine
Avis de grand frais, 7 Beaufort, secteur S-O à S avec rafales.
Les dispositions sont prises en conséquence : Trinquette, 2 ris, lignes de vie, fermeture et orientation des dorades, pour le bateau. Harnais, polaires, gants, cagoules, pantalons et vestes de quart pour l’équipage. En piste pour le baston, nous aurons presque trop chaud au cours des prises de 2e ris !
Le long de la côte Est de Belle Ile, l’allure est un peu sportive dans les rafales, la mer blanchit au niveau de la pointe. Le passage des Sœurs entre Houat et Hoëdic devient délicat par moments, car nous sommes à la limite de la fausse panne et la grosse houle lève sur les hauts-fonds.
Une vague plus vicieuse que les autres s’invite à bord, complétant la toilette matinale des équipiers.
Compte tenu de l’état de la mer, il n’est pas question de rentrer dans la rivière de Penerf, la Vilaine est plus large et la houle s’amortit plus vite.
Grâce aux qualités du dériveur intégral, nous rentrons plein vent arrière, dérive haute, notre tirant d’eau n’étant que de 80 cm. Par ce temps, un quillard de notre taille ne rentrait pas !
Les méandres de la rivière nous apportent le calme d’un bon mouillage, après une cavalcade de 33 milles, avalés en moins de 5 heures.
Petit plat mitonné, vaisselle, discussions (aussi sportives que l’état de la mer), lecture, musique et dodo.
Le pied, quoi !...
La Vilaine - Hoëdic
Météo plus clémente, force 3 faiblissant, secteur S-O à S, en plein dans le nez !
L’allure de près étant un peu serrée, nous profiterons de l’appui du moteur pour recharger le parc des batteries.
Un maquereau «suicidaire» viendra nous donner de faux espoirs vis-à-vis du menu de ce soir.
Il restera solitaire et nous ne changerons pas le programme de notre avitaillement !
Personne en mer, personne à terre. Lors d’une balade à Hoëdic, nous verrons plus de poules faisanes que de terriens.
Nous attendrons la tombée de la nuit pour l’ouverture de l’unique magasin.
Plaisir du calme en ces soirées pré hivernales, retour en annexe à la douce chaleur de notre «refuge marin».
Hoëdic - Groix
Les «affaires sérieuses» reprennent !... BMS n° 118, repris en boucle.
Grand frais à fort coup de vent entre Penmarch et la Loire, force 7 à 8 l’après-midi, avec fortes rafales, secteur S-O à S, ciel dégagé puis temps à grains.
Dans ce cas, équipement classique pour tous. Nous réduisons la toile pour le bateau.
On se «couvre» et on s’accroche pour l’équipage.
Nous repassons devant les Deux Sœurs, au près cette fois. Nous chercherons à nous écarter de l’île des Chevaux qui défile sous notre vent, toute blanchie.
On ne fait pas du rase cailloux par ce temps !
Une grosse houle d’Ouest nous accueille à la pointe nord de Belle Ile et nous accompagnera le long des Birvideaux jusqu’au Plateau des Chats, au sud de Groix. Nous atteindrons Port Tudy distant de 32 milles en 6 heures, le soleil jouant à cache-cache avec les nuages.
· Les conditions de navigation nous ont semblées agréables, le bateau étant bien équilibré sous pilote, malgré un temps quelque peu «musclé».
En vue de compléter notre provision de pain, nous nous ferons copieusement rincer sous un orage violent qui nous cueillera à terre, loin du bateau, sans équipement. À terre, les marins sont moins prudents ! La soirée sera donc spécialement occupée par une séance «grand séchage», chauffage à fond.
Port Tudy - Iles de Glénan
L’orage du soir a confirmé la bascule de vent au N-O. Décidément, nous allons encore vérifier les conditions de navigation au près.
Force 5 puis 4 Beaufort, beau temps. Houle d’Ouest, 2 à 3m, mer agitée.
Opération bord après bord, tout dessus vers l’archipel des Iles de Glénan que nous atteindrons en 7 heures, après avoir couvert 32 milles.
Le Norois ayant balayé le ciel, nous profiterons pleinement de cette belle journée que l’on En vue des îles, le soleil faisant oublier la température frisquette, Guillaume se met à l’aise.
Coucher de soleil magnifique dans un mouillage de la Chambre sans coffre, sans voisin, une merveille que l’on ne trouve pas en saison.
Une moque de café et un bon équipement permettent de savourer les dernières heures du jour.
Les Iles de Glénan - Lorient
Temps couvert puis éclaircies, vent faiblissant.
Nous mettons le cap sur Lorient, en savourant encore ces belles journées de début d’hiver.
Nous ferons un bout de chemin avec un groupe de dauphins sympathiques. Je me demande parfois s’ils ne nous reconnaissent pas, tellement ils répondent aux rythmes des frappes sur la coque ! Ces navigations hors saison sont un régal à consommer sans modération. Mais nous ne sommes pas seuls, nos épouses et mères nous attendent dans nos maisons !
Profitant du temps sec nous désarmons le bateau au Kernevel et le préparons pour son premier hivernage.
Nous quittons TI SOAZ avec un petit pincement au cœur, après une magnifique saison de navigation ! Vers d’autres horizons.
C’est promis, cet hiver nous allons rêver aux prochaines croisières, sous des latitudes plus clémentes.