Les baleines, « rencontre du 3° types »
Quand un cachalot de 45 tonnes vient de tribord, il est prioritaire. À bien y penser, quand il vient de bâbord aussi.
Olivier de Kersauson
Nous, plaisanciers et marins, avons tous entendu parler d’une rencontre avec les baleines pendant une navigation tranquille. La rencontre de l’homme et de la baleine a toujours fasciné. De « jonas dans les écrit hébraïque à « Moby Dick d’Herman Melville», (voir le livre) le monde des terriens ont vu dans la baleine le monstre des temps anciens. Il en est tout autrement pour les plaisanciers qui scrutent l’horizon avec l’espoir, souvent déçu, de croiser ce mythique mammifère marin.
Ma première rencontre lors d’une journée de pétole entre l’Iles d’Elbe et la France reste un de mes plus merveilleux souvenirs. Le soleil de midi chauffait une mer miroir comme seule la Méditerranée sait en faire. Nous avancions grâce au « vent diésel » bien utile pour ces conditions mais terriblement bruyant dans ce monde de silence. Soudain, à environ un quart de mille par bâbord avant, le souffle d’un cétacé a crevé la brume de chaleur qui rendait l’horizon incertain. Instantanément cap à bâbord à la rencontre des cercles concentriques qui marquaient l’endroit de sa disparition. L’animal, encore plus curieux que nous avait sans doute viré dans notre direction car c’est presque immédiatement qu’il a surgi sur notre étrave tribord dans un long glissement tout prés de la surface.
Moteur au neutre le bateau parcouru encore quelques dizaines de mètres avant de s’immobiliser. La baleine, puisque c’était vraiment une baleine, était à peine plus longue que notre bateau, soit environ seize mètres (peut être 17m), elle se mit à frôler les coques d’un coté puis de l’autre. A bord c’était la confusion le benjamin de l’équipage se sentait en danger et en retrait des filières, suppliait le capitaine de bien vouloir reprendre la route avec l’excuse de vouloir être en vu des cotes avant la nuit. La majorité des équipiers manifestaient un enthousiasme débordant, n’hésitant pas, masque sur le nez et tuba dans la bouche, à plonger la tète dans l’eau depuis les marches de la poupe pour avoir un contact visuel avec l’œil de notre visiteur.
- Elle me regarde dans les yeux
- J’ai l’impression qu’elle me parle etc..
- Les voyeurs étaient sous le charme alors que le mammifère marin passait et repassait à quelques dizaines de centimètres de leur nez, semblant scruter autant qu’il était scruté. Cette scène irréelle semblait ne pas vouloir cesser et c’est plus d’une demi-heure plus tard que la star de ce court métrage (nous avons bien sur fait un film que les « zooms avant », « zoom arrières » du vidéaste amateur, aux rythmes de son excitation, ont rendu inexploitable) s’est éloignée de nous en sondant sans réapparaitre à nos yeux.
La proximité et la durée de ce contact qui pour nous s’apparentait à un « contact du troisième type » nous a permit d’être sur de l’espèce (« la marque » comme disait notre benjamin). Nous avions à faire à un « rorqual commun ». Cette baleine, avec le grand cachalot est une des plus nombreuses dans ce sanctuaire marin délimité par les quatre pointes de son losange : Toulon, Nord-ouest-Sardaigne, Fosso Chiarone et Gène. Ce sanctuaire abrite, en dehors des dauphins trois « baleines ».
- · La Baleine à bec de Cuvier (Ziphius cavirostris)
- · Le Cachalot commun (Physeter macrocephalus)
· Le Rorqual commun (Balaenoptera physalus)
- Cette distinction entre baleine et dauphin est une distinction « grand public » car, en fait, le cachalot est beaucoup plus prêt du dauphin que de la baleine.
- Vous pouvez télécharger les PDF sur la façon de reconnaitre ces baleines directement en suivant le lien ou en vous rendant dans la « boutique » (dont presque tout le contenu est gratuit) et en sélectionnant « Divers ».
- La dernière rencontre nous a beaucoup plus secoués. C’était en pleine nuit, au large de Barcelone avec un vent Nord- Nord-Ouest qui, venant de la terre, nous faisait une mer idéalement plate. Le catamaran, sous spi, filé 12 nœuds dans un léger sifflement des étraves fendant l’eau phosphorescente comme une aurore boréale maritime. Les artistes de ce spectacle sont les milliards de zooplanctons qui remontent à la surface la nuit venue. Cette situation idyllique fut interrompue brutalement comme un rêve par la sonnerie du réveil matin, chute du lit comprise. En effet tous ceux qui étaient debout se retrouvèrent couchés dans des positions improbables et tous ceux qui étaient couchés se retrouvèrent éjectés de leur bannette. La poupe bâbord s’est soulevée à la verticale (souvenir aménagé par la surprise et le coté méridional de Bernard qui était de quart) quand l’étrave tribord s’est arrêtée brutalement contre un OFNI. Le spi, immédiatement tirebouchonné autour de l’étai et des barres de flèche s’est rapidement déchiré et ce merveilleux moment de navigation s’est transformé en un instant, en un capharnaüm indescriptible. Plaies et bosse du coté de l’équipage et large tache sombre à la surface de l’eau que l’éclairage du gros spot de sécurité nous fit découvrir comme étant du sang. Un peu plus loin, la masse d’une baleine s’éloignait lentement. Entrainée par le courant ou nageant par ses propres moyens ? Cette question est restée malheureusement sans réponse, nous laissant un sentiment de culpabilité difficile à effacer. Depuis ce jour, le spi n’a plus jamais été hissé en pleine nuit, même pour une transat.
- Le bateau par lui-même avait peu de dégâts apparents hormis le Spi et la multitude d’objets mal rangés qui s’étaient brisés lors du choc. Il fallu attendre la lumière du jour pour nous apercevoir que le brion de l’étrave tribord avait tout d’un choux fleur fibreux sans pour autant avoir provoqué une voie d’eau. La fabrication Fountaine-Pageot est finalement de très bonne qualité.
- De ces mésaventures nous avons tiré quelques enseignements. Tout d’abord que la réflexion d’Olivier de Kersauson qui nous sert d’introduction à cet article est tout à fait justifiée et surtout que les cétacés comme tous les habitants des mers sont chez eux dans l’eau et qu’il faut commencer par bien les connaitre pour se permettre d’aller leur rendre visite. Cet article et ses annexes sont un excellent moyen de mettre en œuvre cette nécessité.
- En fait, si les collisions entre navires de commerces et baleines sont plus fréquentes et surtout plus destructives pour les habitantes des lieux, les accidents impliquant des voiliers ne sont pas aussi rares qu’on pourrait le penser.
- « Selon l´étude de Fabien Ritter, entre 1966 et 2010, 111 collisions entre cétacés et bateaux à voiles et 57 cas de collisions évitées de justesse ont été répertoriés dans le monde, révélant une forte augmentation entre 2002 et 2010 » Extrait de « Baleine Magazine »
- Les conclusions de toutes les études pour créer un protocole de prévention des collisions sont, en ce qui concerne les voiliers, assez simples pour ne pas dire simplistes, sans révélations spectaculaires qui permettraient de mettre fin à ce risque.
o 1° Etre toujours prêt à effectuer des manœuvres d’évitements (la vidéo ci après référencé et un exemple flagrant de cette absence de préparation. http://www.voiles-aventures.com/sailtube « Quand un bateau en course percute une baleine! » )
o 2° Réduire sa vitesse quand la visibilité et moindre (voir notre expérience)
o 3° Exercer une veille très attentive dans les habitats importants de cétacé, pendant le jour avec des jumelles, la nuit avec une lunette de vision nocturne.
o 4° Bien connaitre, ces belles personnescpour se permettre d’aller leur rendre visite. (Voir annexes en fin d’articles)
Pour les navires de commerce un système a été mis en place : système REPCET
- REPCET constitue un socle technologique évolutif. Alimenté, dans sa première version, par des détections visuelles, il est conçu pour intégrer tous types de capteurs (détecteur infrarouge embarqué, acoustique passive en mer, etc.). Ainsi, dans de futures versions, le système pourra traiter automatiquement les positions de grands cétacés détectés par ces capteurs et ainsi optimiser l'efficacité du dispositif, notamment de nuit.
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PG
CONSEILS POUR L’OBSERVATION DES BALEINES
Baleines : empêcher les collisions
VERSION PDF DE L'ARTICLE
Sources photos
http://www.journaldelenvironnement.net/article/eviter-les-collisions-entre-cetaces-et-navires-en-mediterranee,24813?xtor=RSS-31#_ftnref1
http://blog.de-novion.com/dotclear/index.php/?Shinbun-journal/2008/03