Agressions en mer 1° Bataille d’Alain Bonneau

11-01-2014 00:00:00

Aloa s'en va en guerre
Alain Bonneau nous a raconté, avec beaucoup d’humour, ses batailles navales. La première que nous publions, nous montrera Alain et son copain Guy, armés jusqu’aux dents d’un pistolet à grenaille et d’une bombe à poivre, tel les «cavaliers de l’apocalypse » partir à l’assaut de ……La Marine grecque

 

1999, l’année du transfert de l’ALOA en Turquie. Guy « le caravanier » navigue avec moi depuis Palerme. Nous quittons Athènes où nous avons récupéré, la veille, à l’aéroport, sa compagne Yasmina. Elle n’est pas encore amarinée, donc, dans la cabine avant, avec un mal de mer indescriptible : elle se trouve, fort heureusement maintenant dans un état comateux.

Notre prochaine destination est Tinos, que d’autres plaisanciers, rencontrés à Delphes, nous ont décrit comme une des îles grecques les plus typiques. C’est le Lourdes orthodoxe, avec sa basilique, ses pèlerinages, ses nombreuses chapelles et pigeonniers. Il nous tarde de la découvrir.

La route est simple, mer Egée, vers l’est. Depuis le Cap Sounion où l’on peut admirer le temple de Poséidon, nous passerons entre les îles de Kéa et Kythnos, laisserons Gyaros à bâbord, Syros à tribord et arriverons en plein dans le port de Tinos. 80 Milles nautiques à la louche. Vent de  coté, secteur nord 3 à 4, gentille houle à la crête à peine déferlante, doux roulis de rêve !

Guy est à moitié équipier, à moitié infirmier : une main pour le bateau, une main pour la femme.

Nous arrivons au sud de l’île de Gyaros. Nous distinguons de plus en plus et de mieux en mieux une espèce de grande armada de bateaux de guerre gris marine. On va droit sur eux, on va se régaler. Plus on va droit sur eux, plus on a l’impression que ce sont eux qui viennent droit sur nous. Ils se rapprochent, ils arrivent, ils nous arrivent dessus. Ils sont 9 !

Ils nous font : la file indienne, le triangle, le carré, la tortue, nous passent devant, derrière, de tous les côtés. Ils sont partout ! C’est l’horreur !

Lors d’un passage, un capitaine, juché sur sa passerelle de commandement, tout de blanc vêtu,  un mégaphone à la main, nous assène des coups de gueule dans une drôle de langue, du grec peut-être, compte tenu du drapeau bleu et blanc qu’il arbore sur son bateau à double rangée de dents. Car ils sont armés les bougres ! Canons, mitrailleuses, lance-ceci, lance-cela, mer-mer, mer-air, anti-bateaux, anti-avions, anti-Aloa, radars en tout genre, bref, de vrais navires de guerre.

Je descends à la VHF et leur demande dans un anglais aussi parfait que celui d’un débutant auvergnat, ce qu’ils veulent, et pourquoi ils sont si méchants. Il me répond dans la même langue que tout à l’heure. Ce langage de sourds ne dure pas longtemps, car maintenant ce sont leurs sirènes qui nous assourdissent. Quand je pense que Yasmina ne se rend compte de rien, c’est dire l’état dans lequel elle se trouve et semble se conforter.

Je remonte sur le pont, l’homme en blanc nous fait des signes autoritaires, du style « foutez-moi le camp ! »

Guy n’en peut plus ! « C’est un incident diplomatique, il faut porter plainte à notre ambassade, nous ne sommes pas en guerre … »

Eh si, justement !

La France prend part actuellement, dans le cadre de l’ONU ou de l’OTAN, (ou les deux réunis), à la guerre en Croatie. D’ailleurs nous n’étions pas très rassurés en traversant le détroit d’Otrante entre l’Italie, la Grèce et l’Albanie. Avant de quitter Bordeaux, mon bon Guy était allé chez un marchand d’armes et avait acheté un pistolet à grenaille et une bombe antiviol, au cas où.

Nous sommes en plein « au cas où »! Alors, debout dans le cockpit dans un langage solennel, je clame à Guy : « va chercher le pistolet et la bombe, nous allons livrer une bataille héroïque, tels les cavaliers du Cadre noir de Saumur contre une division de blindés allemands.

Ce fut un carnage (pas pour les blindés, pour les cavaliers). Les ordres, les gestes, les intonations deviennent de plus en plus pressantes et nous sommes déjà cap au sud pour obéir aux mouvements significatifs de l’homme en blanc. Je ne comprends pas ce qui nous arrive, descends à la table à carte, fais rapidement le point. Nous nous trouvons sur une ligne rouge pointillée qui entoure l’île de Gayros, à l’intérieur de laquelle est écrit en rouge « zone interdite ». A l’épaisseur du trait près, nous ne sommes pas en infraction. Je consulte les instructions nautiques qui m’indiquent que cette île a servi autrefois de bagne, puis de prison pour les communistes, du temps où les généraux étaient au pouvoir en Grèce. Aujourd’hui elle est terrain militaire. Et voilà, nous nous éloignons. Ils ont l’air content. Ils reprennent une formation ordonnée, se  mettent en ligne, se mettent de côté et se mettent à tirer comme des malades des salves de bâbord, des coups de canon, dans un bruit assourdissant et à grands renforts de fumée. Pauvre petite île !

On devait les gêner un peu quand même ! Mais on n’était pas dans la zone interdite, non, on n’y était pas, à moins qu’ils n’aient déplacé la ligne rouge sans m’avertir.

Quant à Yasmina, je vous rassure, elle est toujours vivante.

Nous avons passé un jour dans l’île de Tinos que nous avons explorée à bord d’un 4 X 4 de location. Je vous recommande la visite, surtout si vous arrivez dans la basilique orthodoxe (à pieds) quand la chorale est en train de répéter (debout) pendant que sonnent les cloches (au dessus).

 



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