Alain Bonneau raconte.

16-11-2013 00:00:00

 

Le 1er mai, mon fils Jérôme, son bateau et moi régatons sur le lac de Cazeaux. C’est l’après-midi, on vient de prendre le départ quand nous sommes frappés de plein fouet par une brusque  pétole. Le comité annule la course et nous voilà au moteur. Jérôme a eu la bonne idée d’acheter ce bateau, un Charleston. Nous sommes licenciés FFV et membres du CVCL,  Centre de Voile Cazeaux Lac. Ce club organise une vingtaine de régates par an et anime aussi une école de voile, dériveurs, catamarans. Les skippers et les équipages sont de bonne facture. Les procédures de départ, les règles de course, les tribords amures sont les mêmes que dans les plus célèbres royal-clubs, mais au CVCL personne ne se prend la tête et c’est super sympa.

Jérôme me parle d’un de ses copains qui va partir faire le tour du monde en famille sur un gros catamaran. Ce copain n’est autre que « Greg », le cata, « Imagine », le propriétaire-skipper, initiateur du projet, fondateur et directeur de la rédaction du magazine « Voiles Aventure ».

Nous rencontrons Greg.Il me dit qu’il a entendu parler de ce que je faisais et m’incite à écrire quelques pages sur mes 30 ans de navigation. Cela devrait coller avec le contenu recherché par « Voiles Aventures ». Des aventures vécues à la voile.

 Je vais donc vous raconter un certain nombre d’anecdotes qui, j’en suis sûr, vous rappelleront vos propres souvenirs car elles vous sont forcément arrivées, sinon, ne désespérez pas, elles vous arriveront. Des problèmes d’ancre, de tempêtes de mauvais temps, de tempêtes de beau temps, de mal de mer et mal de terre, d’échouage, d’accidents, d’hôpital, de bataille rangée avec la marine grecque, de fortunes de mer, d’agressions, d’arraisonnement, de quiproquos, de mauvaises interprétations, d’erreurs de communication, de raz de marée, de raz de sein, de raz le bol, de sec de toile dans le gros temps, d’avis de tempête et de tempêtes sans avis …

Le décor est planté : Guernesey au nord, Cap Finistère et Cap St Vincent à l’ouest, Gibraltar au sud, Foçà en Turquie, au nord-est et Antalya au sud-est, en passant par la Bretagne, le Golfe de Gascogne, l’Espagne, le Portugal, les Baléares, la Corse, la Sardaigne, la Sicile, l’Italie, la Grèce et la Turquie. 30 ans de récits sans aucune chronologie, au gré du vent et des courants, simplement classés par thèmes. Des articles qui ne se suivent pas et ne se ressemblent pas non plus.

 Depuis 8 ans, je me suis organisé pour naviguer 3 mois par an : mai, juin, juillet, uniquement aux beaux jours. Ceci ne pourrait se faire sans la complicité d’Anne, bien sûr, qui ne navigue avec moi que 2 à 3 semaines par an. Grâce à elle, je peux assouvir ma passion et profiter un maximum de mon existence. Je fais l’amour à la vie ou, comme disait Rabelais «fais ce que plaira ».

 Avec un bateau, même petit (j’ai le bateau le plus petit de la mer Egée et de la Méditerranée réunies) on est en liberté. On peut en visiter des choses : l’Etna en éruption, les Météores grecques, la Cappadoce en Turquie. La voile est certainement le moyen de transport le plus lent qui existe, mais l’énergie du vent étant inépuisable …

J’ai appris à barrer comme tout le monde, à partir de 10 ans sur dériveurs multiples et variés, du Moth au 470 en passant par le monotype du Bassin d’Arcachon, et autres tapes-culs plus ou moins connus.

La pratique de la voile, même au large ne nécessite aucun diplôme. J’ai appris à naviguer en naviguant. Il n’y a pas très longtemps que j’ai mes permis mer et fluvial. Je vous raconterai pourquoi et comment j’ai eu mon certificat restreint de radiotéléphonie en mer. Vous profiterez de mes aventures à bord de l’Etoile et La Belle Poule, goélettes sister-ship de l’Ecole de manœuvres de la Marine Nationale et comment j’ai décroché mon diplôme de gabier de hune. Je vous relaterai mes aventures dans les « Courses de la Bière », mais aussi 20 ans de Golfe de Gascogne, de Bretagne, des côtes nord de l’Espagne à partir du Bassin d’Arcachon ; 4 ans de Méditerranée occidentale à partir de Fos sur Mer ; 6 ans de Grèce et de Turquie à partir de Kusadasi et de Türgutreis-Bodrum. 

 

 Mon bateau : un Aloa, construit par Aloa, du type Aloa 29 et qui s’appelle Aloa II. Vous me direz qu’on ne s’est pas trop fatigué pour choisir son nom ! C’est déjà une histoire.

Avec mon premier co-propriétaire, nous avions choisi un nom de baptême pas possible, que seuls les fatigués du bulbe peuvent dénicher. Si bien que l’inscription maritime d’Arcachon, lors de sa première immatriculation, s’est trompée et l’a appelé ALOA. Comme il existait un autre ALOHA dans leurs tablettes (chalutier d’Arcachon) ils l’ont appelé en définitive et définitivement ALOA II ! Un nom court, c’est plus simple à épeler en alphabet international : Alpha, Lima, Oscar, Alpha .(Alpha ou alfa comme on veut )

L’Aloa a vu le jour en avril 1975, on lui a souhaité ses 30 ans cette année ; à cette occasion il a été tropicalisé. (Capote de roof et bimini)

J’ai 60 ans,  j’éprouve pour lui 30 ans d’amitié, de complicité, de connivence et d’amour viscéral. Il est signé « Groupe Finot Architectes » et, à l’époque était d’avant garde. C’est dire qu’il n’est toujours pas démodé. Un 29 pieds c’est petit me direz vous. Eh oui, mais il m’amène toujours où je veux aller et surtout m’a toujours ramené !

Oh combien de marins, combien de capitaines ont choisi de gros bateaux pour partir joyeux faire des courses lointaines et se sont arrêtés à la sortie du port !

Et puis le bateau idéal, c’est toujours le sien + 1 mètre, alors …

Aloa a connu toutes sortes d’équipiers :

mes enfants :

Ma fille Sophie co-propriétaire, son mari Pierre, et leurs deux enfants Thibault et Victor.

Mon fils Jérôme

Et puis mes équipiers fidèles qui se succèdent à bord annuellement pour des périodes de 2 semaines environ :

Anne, « Le chat », ma brune aux yeux bleus qui attire le vent.

« Le chat » parce qu’elle en a l’allure, la souplesse et l’indépendance. Avez-vous déjà essayé de faire mettre des chaussures à un chat ? Malgré mes coups de gu

eule, Anne a toujours refusé d’en porter sur le bateau (sauf pour remonter l’ancre) ; sécurité ou pas, elle s’en fout. Comme elle a un sens de l’équilibre beaucoup plus développé que le mien, çà ne l’empêche pas, en pleine tempête de bondir à l’avant du bateau plus vite que l’éclair. Ce qu’elle ne peut faire que pieds-nus, dit-elle.

Elle passe au moins 15 jours à naviguer avec moi à la condition que nous passions ensuite ou avant, quelques jours au Club Méditerranée.

Le Club Med ? Tout au long de mes récits de Grèce et de Turquie, vous les visiterez. Car je me plais à alterner  ports, criques désertes et escales dans les différents villages du CM qui se trouvent sur ma route.

Imaginez que vous êtes Premier violon dans le grand orchestre symphonique et philharmonique de Bayreuth et que vous assistiez de temps en temps à un concert de rock. Fabuleux, je vous dis !

Anne n’avait jamais fait de bateau avant de me connaître. Elle a donc mordu à la croisière sur le tard, mais depuis, elle a rattrapé le temps perdu. Elle fait du Laser, du Moth, du Cata…C’est une sportive. Son record ? 7 dessalages et 7 ressalages dans la même sortie. C’est aussi un peu Miss Catastrophe. Dès qu’elle rejoint le bord, vous êtes surs d’y avoir droit... Elle attire le vent la pauvrette, et en subit, à chaque fois,  toutes les conséquences.

Elle démarre au quart de tour, ses colères sont terribles, elle a un caractère épouvantable, au moins aussi mauvais que le mien. Parfois on se hait, surtout quand on est ensemble. Mais quand je navigue et qu’elle est à la maison, on se téléphone tous les jours, sinon on est malheureux. Allez expliquer çà !

 

Guy, « le caravanier »

Il m’appelle « l’autre patient ». Il raconte toujours « avec Alain : on arrive, c’est beau, on prend la photo, on se casse ».

Si on ajoute que je demande toujours que les manœuvres soient faites vite, bien, et tout de suite, cela justifie « l’autre patient »

Guy possède un bateau sur le bassin d’Arcachon, un Feeling 326, dériveur intégral, le pied pour le bassin. Ce n’est pas un grand marin le Guy, plutôt un grand caravanier.Il n’a jamais fait de régates, les seules courses qu’il fait sont celles du supermarché. Il est meilleur au tournevis qu’au « mini Morin ».Mais il n’a pas son pareil pour vous aménager votre bateau, pour y ajouter des pitons, des bouts, des élastiques, qui, en définitive vous facilitent la vie.

La première fois qu’il est monté sur l’Aloa, il m’a demandé où était l’aspirateur, le grille-pain, et pourquoi il n’y avait pas de moquette sur le plancher. Vous l’avez compris, ce n’est pas le genre de la maison.

Guy, c’est mon ami d’enfance. Nous sommes nés dans le même village et avons usé nos culottes sur le même banc d’école. Il a été mon adjoint pendant mes 3 mandats de maire.

C’est ma vieille branche qui n’a jamais cassé.

Il a un caractère facile, en tout cas lorsqu’il est avec moi. Toujours à rigoler, il me fait rire. Et surtout, quand je gueule, il ne dit rien. C’est grand ! Cà devrait être le premier critère de sélection d’un équipier. Guy, j’ai réussi à le dégoûter du bateau. A l’époque, il en avait même revendu le sien. Quoiqu’au bout de 3 ans, il en a racheté un autre, celui qu’il possède aujourd’hui.

Je vous raconterai comment nous étions partis pour La Baule et retrouvés à Cap Breton.

 

J.B. le zen

.

Jean-Bernard, il sait tout faire sur un bateau. Il est à toute épreuve et, en plus, c’est un cuisinier hors pair. Je l’appelle « le zen » parce qu’il ne se démonte jamais. Toujours de bonne humeur, il a quand même un grand défaut : il est toujours d’accord ! Si vous lui posez la question « qu’est ce qu’on fait ce soir ? on va au restaurant ? ». « Si tu veux ». « A moins qu’on ne mange à bord ? » « Comme tu veux ». « Oui mais qu’est ce que tu en penses ? » « Je n’en pense que du bien ». Après çà vous êtes bien avancé.

J.B. est un ancien officier de l’Armée de l’Air, militaire de carrière à la retraite. Retraite militaire s’entend, car il gère actuellement une grosse affaire de transports en commun dans le Var. Il a dormi la moitié de sa vie avec un pistolet sous l’oreiller, sa femme aussi d’ailleurs.

Il a fait les Colonies. Il était pilote d’hélicoptère dans un commando des Forces Spéciales et, à ce titre, condamné à mort dans différents pays  dans lesquels l’Etat français l’avait envoyé en « mission de pacification » suivant l’expression consacrée. En Nouvelle Calédonie il possédait son propre bateau,  faisait des courses au large sur des yachts de course où il oeuvrait comme «singe». Je l’ai connu à Istres juste après qu’il ait revendu le dernier bateau qu’il avait à Fos sur Mer.Il ne savait pas quel cadeau faire à sa femme pour son non-anniversaire !

Mon J.B. il est plutôt pas grand, frisé, très méditerranéen, avec un accent de Marseille à la  Ticky Holgado , auquel il ressemble d’ailleurs.

Il a beaucoup d’humour. On s’entend tellement bien qu’il nous arrive de passer plusieurs heures dans le cockpit sans éprouver le besoin de parler. C’est çà, je crois, l’osmose totale. On admire la mer, les paysages, c’est tellement beau qu’on en reste muet.

Jean-Pierre dit « D’Artagnan »

Anne et moi l’avons connu en 1991 Turquie. On l’appelle D’Artagnan car il en a le look.

La première fois que nous avons parlé bateau et croisières, je me suis aperçu qu’il connaissait tout, qu’il savait tout faire, ( entre autres tous les nœuds de m

arin ) et qu’il possédait et employait un vocabulaire de vrai professionnel. Quelle surprise quand il m’a annoncé qu’il n’avait jamais mis les pieds sur un bateau autre que dériveu

r mais que c’était sa passion, qu’il était abonné à toutes les revues de voile et que jusque là, çà lui suffisait.

Ayant amené l’Aloa en T

urquie, je lui ai proposé de naviguer, et comme il prenait sa retraite de l’Aérospatiale à Toulouse …

Jean-Pierre c’est la crème des hommes. Aimable, prévenant, dévoué, de bon commandement. Il est bricoleur comme c’est pas permis. Beaucoup de modifications dans l’Aloa sont signées de sa griffe (comme par celle de Guy le «caravanier» d’ailleurs). Il est content quand çà casse, mon Jean-Pierre : il va pouvoir réparer, et en mieux.

Et les autres que je vous décrirai d’avantage au fil des histoires comme

 

Mario, mon compère

 

Michel, « le bon docteur »

Claude « le Glaude » à qui j’ai fait faire « les Glénans » à 60 ans

Nos amis belges Guy « le solitaire » et le couple Marcelle et Claude

 

Ne comptez pas sur moi pour vous donner des leçons. Vous savez que l’expérience des autres ne sert à rien, il faut que çà vous arrive.

Ne comptez pas sur moi pour réécrire des instructions nautiques  ou un guide touristique. Ils existent déjà, rédigés par de vrais professionnels et c’est tant mieux.

Par contre, comptez sur moi pour ne vous raconter que du vécu en espérant vous intéresser et vous amuser un peu.

Je ne vous donnerai aucune leçon de voile, vous n’en avez sûrement pas besoin. Eventuellement vous pourrez relire quelques passages du « Cours des Glénans » auquel il m’arrive de faire référence. C’est un peu notre bible. « C’est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde »

A vos cirés et maillots de bain, bienvenue sur Aloa II

 

Alain Bonneau



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